Constantin Juon le miracle des paysages russes en peinture

Constantin Juon le miracle des paysages russes en peinture

Constantin Juon 2Constantin Fiodorovitch Juon était un peintre russe qui naquit à Moscou en 1875 et qui est considéré comme un théoricien de l’art russe et soviétique. Paysagiste de grand renom, mais pourtant très peu connu en France, il a laissé des œuvres incroyables représentant des paysages de la Russie de son époque et surtout de lieux emblématiques de la Russie. Il mérite d’être découvert, ou redécouvert, en France comme en Russie.

Il était le fils d’un assureur suisse qui s’était installé à Moscou et qui avait fait souche. Il fut tenté très tôt par les Arts et fut étudiant à l’école de peinture, de sculpture etConstantin Juon 3 d’architecture de Moscou de 1892 à 1898. C’est ici qu’il reçut l’enseignement de professeurs réputés parmi lesquels Abram Arkhipov qui a marqué son époque et dont plusieurs œuvres, surtout des peintures de paysages et de la nature se trouvent actuellement dans la célèbre galerie moscovite Tretiakov consacrée pour une bonne part à l’Art russe. Juon intégra ensuite l’atelier du non moins réputé de Valentin Serov, également paysagiste russe mais qui est surtout connu pour les étonnants portraits qu’il a laissé comme La Jeune fille aux pêches en 1887. C’est à cette école qu’il acquiert ses lettres de noblesses et commence à se faire une réputation.

Constantin Juon 5Comme c’est le cas de beaucoup d’artistes russes, Juon voyagea et se rendit bien entendu à Paris le centre culturel mondial le plus important de cette époque. C’est à Paris que les meilleurs artistes du temps pouvaient se rencontrer notamment sur la fameuse butte de Montmartre. Paris était également en 1900, certainement l’une des villes les plus russes du Monde… Ici se bousculait l’aristocratie russe, dans le Paris chic qui fit rêver toute la planète. Mais dans la foule se pressaient aussi des écrivains, des artistes, des aventuriers, des voyageurs et même quelques terroristes et anarchistes que la France s’efforça de maîtriser et d’expulser. La fameuse alliance franco-russe avait aussi éveillé un grand intérêt pour la France vis-à-vis de la Russie, tout ce qui était russe était désormais à la mode. A l’inverse, les intellectuels russes, les artistes, la noblesse de Russie s’intéressaient à la France depuis le siècle des Lumières. Se rendre à Paris était donc une sorte de voyage initiatique, un passage obligé auquel Juon ne dérogea pas.

De retour en Russie il fonda son propre atelier dans lequel il donna des cours à partir deConstantin Juon 4 1900. La Révolution vint interrompre son activité en 1917, mais il eut le temps de former des élèves réputés comme Alexandre Kouprine, Vera Moukhina ou les frères Vesnine. Alexandre, Léonid et Viktor Vesnine furent à la tête du mouvement de l’architecture constructiviste, tandis que Kouprine surnommé « le Kipling russe » était un touche à tout, romancier, poète, aviateur, explorateur et aventurier. Vera Moukhina fut l’artiste qui réalisa l’imposante sculpture d’un monument pour l’exposition universelle de 1937 à Paris, L’Ouvrier et la Kolkhozienne. Cette statue orna le pavillon de l’Union soviétique qui faisait face à celui de l’Allemagne nazie, avant d’être rapatriée à Moscou où vous pouvez toujours l’admirer surplombant le musée et palais d’exposition qui porte le nom de l’œuvre.

Constantin Juon 7Avant la Révolution Juon rejoignit en 1903 l’Union des artistes russes et fit partie de la fameuse association « Le Monde de l’Art ». A partir de 1898, ce groupe rassembla des artistes russes qui s’attachèrent à prôner un renouveau pictural russe, moins oriental, plus tourné vers l’Europe inspiratrice, vers l’Art nouveau ou le symbolisme. Cette organisation compta vite de riches mécènes comme Savva Mamontov et la Princesse Tenicheva et se dota en 1899 d’une revue portant le même nom. Mamontov était un mécène immensément riche tirant sa fortune des chemins de fer russes et des puits de pétrole de Bakou. Il avait constitué une incroyable collection qui fut confisquée un temps par le pouvoir tsariste et il fut emprisonné en 1900 pour des malversations financières qu’il n’avait pas commises. Sa collection fut versée pour l’essentiel dans celle de l’actuelle galerie Tretiakov.

Quant à la Princesse Tenicheva qui avait fait des études d’arts à Saint-Pétersbourg, elleConstantin Juon 8 put se réfugier en Crimée au moment de la Révolution de 1917 et émigrer en France en 1919, où elle est décédée un jour de 1928 à Saint-Cloud. Aristocrate, son désintéressement n’en était pas moins très grand et elle fit don en 1911 de sa collection d’art populaire russe, au Musée d’ethnographie et d’art décoratif après avoir créé un musée d’art antique russe à Smolensk. C’est également dans « Le Monde des Arts » que Serge Diaghilev fut au contact de la princesse russe qui lui apporta son aide financière. Diaghilev devait fonder en 1907 les célèbres Ballets russes pour ne donner que ce célèbre exemple. Juon pendant ce temps poursuivit sa carrière et en 1912 il approcha pour la première fois le monde de la décoration théâtrale pour l’opéra Boris Goudonov du compositeur russe Moussorgski. Il retravailla en 1940 avec Modeste Moussorgski pour un autre opéra du génial musicien russe La Khovanchtchina.

Constantin Juon 6La Révolution bien entendu ne va pas épargner Juon. Son frère émigra, les mécènes et la clientèle disparurent, assassinés ou émigrant mais il persista à rester en Russie. Contrairement à la plupart de ses amis il refusa de partir et connut des années très difficiles durant la période de la Guerre civile et peu après. Jusqu’en 1925, il connut une sorte de traversée du désert avant de devenir membre de l’académie des Beaux-Arts. Tout comme son élève Vera Moukhina, il se lança dans la décoration de théâtre, domaine prometteur et y rencontra quelques succès notamment lors d’un spectacle qui eut lieu à Paris au théâtre des Champs-Elysées en 1934, mettant en scène une pièce de Maxime Gorki. Il reçut le prix Staline en 1943 et l’année suivante il s’essaya aussi au cinéma, étant directeur artistique du film Ivan Nikouline, marin russe.

En 1950, sa réputation retrouvée et affirmée fit de lui un artiste officiel reconnu par leConstantin Juon 9 régime soviétique. Il fit le pas de son inscription au Parti communiste en 1951. En 1952,  il fut nommé directeur de l’académie des Beaux-Arts de Leningrad poste qu’il occupa jusqu’en 1955. Il fut à la fin de sa vie professeur à l’institut Sourikov à Moscou et directeur de recherches à l’académie des Arts de l’Union soviétique. La consécration suprême vînt en 1956, où il fut nommé premier secrétaire de l’Union des artistes soviétiques. Il prit la plume à cette date écrivant deux ouvrages dont le second parut après sa mort en 1959, Moscou dans mon œuvre et A propos de l’Art sorte de testament posthume de l’artiste au crépuscule de sa vie. Il mourut en 1958 laissant une œuvre monumentale non pas par le nombre mais par l’empreinte indélébile de Juon sur l’art russe.

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