L’étang des Patriarches

23- L’étang de patriarches

Accès : en venant de station de métro Maïakovskaya (ligne vert foncé).

Etang des patriarches 4Il y a bien longtemps, lorsque Moscou n’était qu’une modeste ville qui ne pouvait faire la comparaison avec d’autres capitales européennes, la capitale russe avait un tout autre visage. Ce Moscou était massivement construit en bois, la matière première essentielle, dans un pays avec peu de reliefs, du moins à portée de la capitale. Moscou au XVIe siècle était une petite ville, son territoire était occupé par quelques milliers de bâtisses essentiellement en bois, et quelques constructions en pierre et en brique, avec bien sûr le Kremlin, le siège de la tête de l’État. C’était une ville reculée et peu fréquentée par les Occidentaux. La lointaine Moscovie était en effet difficile d’accès, PierreEtang des patriarches 5 Ier n’avait pas encore ordonné la construction de la ville de Saint-Pétersbourg, il fallait cheminer de longues étapes, sur de très mauvaises routes pour atteindre la capitale des tsars. La ville était aussi un important carrefour commerçant, les Anglais y avaient un comptoir, mais les distances compliquaient de toute façon les échanges, les relations. La ville et le pays vivaient donc grandement en autarcie. C’était une ville au contact immédiat de la campagne, il y avait même des marécages et des zones encore sauvages comme le parc aux faucons (Sokolniki), où les riches moscovites pratiquaient la chasse.

Etang des patriarches 1Non loin de l’étang des patriarches se trouvait au XVIIe siècle la résidence du patriarche Hermogène, héros et martyr de la résistance contre l’invasion polonaise des temps troubles (mort de faim en 1612 en refusant de collaborer avec les Polonais). A l’intérieur du Kremlin, pourtant siège du pouvoir temporel et spirituel du pays, il n’y avait pas encore la résidence des patriarches voulue par Nikon, bientôt d’ailleurs évincé par son désir trop affiché d’une primauté du chef de l’Église sur celui de l’État. Les étangs et les pièces d’eaux étaient nécessaires à la ville de Moscou, participants à la propreté de la ville, à son approvisionnement, à son industrie. Après la déposition du patriarche Nikhon etEtang des patriarches 6 sa mort dans un monastère (1667), le nouveau palais des patriarches se trouva vide et la résidence de ces derniers redevînt ce qu’elle avait été. Le patriarche Joachim ordonna de faire assécher les marécages, puis de faire creuser trois étangs qui devaient accueillir des poissons pour fournir la table du patriarche (1683). L’endroit fut surnommé les Trois étangs, mais bientôt le lieu fut abandonné, les patriarches furent somptueusement installés dans une autre résidence plus adéquate. Le domaine perdit donc de son importance mais traversa l’histoire.

Etang des patriarches 3Au fil du temps, notamment au moment de l’invasion française, un seul des trois étangs avait survécu aux tribulations et événements urbains (1812), bientôt renommé l’étang des patriarches qui fut dragué et rénové (1897). Longtemps un lieu champêtre, le développement urbain de la ville fit que des constructions envahirent petit à petit le paysage, et l’étang pour cause de révolution bolchevique fut finalement rebaptisé l’étang des pionniers (1924-1992). Un bras de fer se développa entre les habitants et les autorités municipales qui souhaitaient installer un monument mémoriel à l’écrivain Mikhaïl Boulgakov (1999). Après bien des rebondissements, un concours, des projets dont celui d’une énorme fontaine avec une sculpture de 12 mètres de haut, le projet fut remis à jamais dans les cartons pour cause de pressions du grand public. Le lieu fut toutefois rénové, nettoyé et embellit puis classé dans le patrimoine historique culturel de al ville de Moscou (2003). Par la suite, l’endroit a été de nouveau aménagé, des zones de parking éliminées (2015), une maison du patriarche installée avec son espace de lecture et de partages de livres, il y aussi souvent des jeuxMaison Tarasov d’échecs (2017). L’endroit est entouré de quelques monuments célèbres, dont la maison de Gavril Aslanovich Tarasov (23-1-), riche manufacturier originaire d’Arménie, millionnaire et mécène. Il avait acquis un terrain non loin des étangs (1907), où il fit construire cette belle résidence (1909-1912), par l’architecte Ivan Joltovski (1867-1959), maître de l’architecture néo-renaissante et plus tard stalinienne), dans un style rappelant par ailleurs la renaissance italienne. Mais Tarasov décéda avant que cette dernière soit terminée. La révolution s’empara de ses biens, l’immeuble fut nationalisé, et c’est la Cour Suprême de l’Union soviétique qui y fut installée (jusqu’en 1937), avant que l’Allemagne y installe son ambassade (1937-1941), puis la Pologne (1945-1979). L’hôtel particulier devînt par la suite le centre de l’Institut d’Afrique de l’Académie des Sciences de Russie (1979).

La maison aux LionsIl se déroule très souvent des manifestations diverses sur son territoire ou aux abords de l’étang des Patriarches, sans parler de l’installation d’une patinoire l’hiver et de divers spectacles. Un des plus beaux immeubles bordant l’étang est la Maison aux Lions (23-2-), somptueux bâtiment que l’on pourrait croire sortie de la Russie tsariste mais en fait construit à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale (1944-1945), par les architectes Joltovski (encore lui !) et son camarade Dzisko. Elle devait accueillir les braves généraux soviétiques qui après avoir servi contre l’envahisseur allemand et ses alliés recevaient ce témoignage de la reconnaissance du peuple soviétique. De magnifiques appartements avaient été conçus pour les recevoir, mais l’idée ne fit sans doute pas long feu. Staline qui détestait les militaires et craignait un nouveau Bonaparte avait déjà éliminé plus de 36 000 officiers avant la guerre. Il préféra éloigner les généraux vainqueurs, trop populaires à son goût et lui faisant de l’ombre (tels que Joukov ou Koniev), puis ce projet fut jugé à l’époque de la déstalinisation comme excessif ( l’époque de Khrouchtchev). La maison aux Lions est désormais une propriété privée mais elle est protégée par le statut spécial de patrimoine culturel et historique de Moscou.

Aucun surcoût : lieu tout à fait public, la balade est toutefois recommandée aux périodes printanières et estivales, dans le cas contraire bien s’habiller, l’endroit peut-être très froid et humide.

Vous pouvez continuer vers les Allées du boulevard Tverskoï

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