Tsarine des cloches

1-2-7- Tsarine des Cloches catégorie la Russie éternelle

Accès : uniquement avec un billet d’entrée pour la visite des cathédrales du complexe du Kremlin de Moscou.

tsar des cloches 7Dans le même ordre d’idée que le tsar des canons, la Tsarine des Cloches fut d’abord une idée de mise en avant des possibilités technologiques russes, une grosse opération de communication, comme nous pourrions le dire aujourd’hui. C’est Boris Godounov (1551-1605), beau-frère de Fédor Ier faible et dernier tsar de la dynastie de Riourik, qui s’étant emparé du pouvoir ordonna aux fondeurs de cloche de réaliser une première gigantesque pièce (1599). Après la mort de Fédor sans héritier (1598), il devînt le maître du pays. Quelques années auparavant, le jeune et dernier des fils d’Ivan le Terrible, Dimitri (1582-1591) avait succombé à un accident domestique en se poignardant accidentellement dans un jeu. Il était l’assurance de la dynastie et sa disparition avait provoqué un très grave incident. La foule de Moscou s’était insurgéeŠóðàíòû íà ‘ïàññêîé áàøíå Šðåìëß en sonnant une cloche, un appel à la vengeance dans la croyance populaire que Godounov avait fait disparaître Fédor. A l’aide de troupes et d’une répression sanglante, Godounov de plus en plus impopulaire avait rétabli l’ordre. En punition, la cloche avait été sur son ordre fouettée et « castrée ». Il ne sera jamais possible de savoir si Godounov fut l’artisan de la mort des deux derniers fils d’Ivan. Il se fit élire tsar par le conseil du zemski sobor, avec le rêve de fonder une nouvelle dynastie. Il gouverna cependant sagement, pouvant même juguler l’apparition d’un premier faux prétendant au trône (1605), mais il mourut bientôt de maladie. L’immense cloche de Godounov, instrument politique, fut exposée sur la place du Kremlin, elle pesait 33,6 tonnes. C’est lors d’un incendie qu’elle se brisa d’elle même, après avoir fait l’admiration des visiteurs (1649).

tsar des cloches 9Le tsar Alexis Ier, deuxième souverain de la dynastie des Romanov, ordonna la fonte d’une cloche géante de 130 tonnes (1651). Un maître fondeur du nom d’Hans Falk ( ?-1653), d’origines bavaroises, de la ville de Nuremberg fut en charge de sa construction, il refusa d’utiliser le métal de l’ancienne cloche « Godounov » et demanda cinq années pour la réaliser. Il mourut avant la fin de ce travail, mais la cloche fut finalement fondue en 1654, avec le métal de la précédente. Elle était prévue pour faire entendre son tintement à 7,5 km de là. Mais la cloche, mal fondue et fragile se fendit avant d’avoir été montée dans le clocher. Un autre maître fondeur, russe celui-là, Alexandre Grigoriev fut mis à la tâche, travaillant sur ce chantier pendant 10 mois en 1655. Elle fut montée dans le clocher, mais s’entsar des cloches 10 détacha et tomba au sol sans se briser (1661). Elle attendit longtemps d’y être remontée (1674), d’ailleurs accompagnée d’une petite sœur qui tomba elle aussi du clocher suite à un incendie (1701). Fracassée elle était inutilisable. C’est plus tard que l’impératrice Anna de Russie (1693-1730-1740), nièce du fameux Pierre le Grand et qui voulait marquer son règne en laissant une grande réalisation, ordonna de refondre une nouvelle cloche (1730). Il fut décidé de faire dans la démesure et la cloche fut prévue pour un poids de 200 tonnes. Cet cloche était un défi technique majeur, aussi un premier ingénieur, un Français du nom de Germain, ingénieur royal, maître orfèvre et membre de l’Académie des Sciences fut sollicité, mais refusa jugeant l’affaire impossible à réaliser.

tsar des cloches 6C’est finalement un russe qui fut choisit, Ivan Motorine, maître fondeur de père en fils, qui avec son frère avait déjà réalisé deux cloches dans le Kremlin (12 nous sont connues pour l’ensemble de son travail). Après la réalisation d’un modèle réduit, le travail de fabrication de la cloche commença en 1633. Son énormité imposait qu’elle soit fabriquée et fondue sur place dans le Kremlin. Un atelier y fut installé, ainsi qu’une fosse pour y fondre et mouler la cloche d’environ 10 mètres de profondeur. Un total de 4 fours de coulées furent installés tout autour, pouvant gérer chacun 50 tonnes de métal en fusion. L’ancienne cloche n’était pas suffisante pour suffire à l’apport de métal et 5 tonnes d’étain et 16 tonnes de cuivre furent encore nécessaires pour la couler. C’est une équipe de 200 personnes, dont 83 fondeurs qui fut employée à ce travail énorme. La fonte elle-même était une opération très compliquée qui fut émaillée d’incidentstsar des cloches 11 techniques. La réalisation des alliages fut particulièrement épineuse, incendies, difficultés des fours à subvenir aux besoins demandés, le moule fut endommagé et réparé (novembre 1734). Ivan Motorine mourut lui aussi avant la fin des travaux (août 1735), ceux-ci étant confiés à Mikhaïl son fils. Il se lança dans une nouvelle tentative, le 23 novembre 1735, et après plus de 36 heures de fusion, le moule fut remplit avec succès, dans une opération qui dura environ 46 minutes, à raison de 7 tonnes de métal à la minute. La cloche fondue mesurait 6,24 mètre de haut, pour 6,6 m de diamètre et environ les 200 tonnes prévues initialement. La cloche fut présentée en 1736, et Mikhaïl Motorine largement récompensé pour ses services. La cloche qui était restée dans sa fosse fut toutefois bientôt victime d’un accident fatal. Un incendie violent ayant éclaté (1737), les échafaudages et structures en bois du chantier s’effondrèrent dans le trou, ce brasier provoqua la fissure fatale de la cloche dont un morceau de 11,5 tonnes se détacha. Plusieurs versions sont toutefois en concurrence sur la raison de l’accident, une chute lors d’un essai de levage, une fissure lors du refroidissement à l’eau du métal, une erreur de calculs du maître fondeur. Il semble bien, selon les analyses et technologies modernes que cette dernière version ait été la vraie, seulement cachée pour éviter que le ridicule de la tsarine des cloches retombe sur la souveraine.

Tsar des clochesElle resta donc dans sa fosse pendant de très longues années, réalisation inutile et exploit manqué, elle fut oubliée. Des tentatives furent faites de la retirer de son trou (1792 et 1819), puis en fut finalement retirée après de gros travaux pour l’en sortir (1836). Par la suite, il fut question peut-être de la réparer, mais l’argent nécessaire représentant des sommes colossales, sans garantie de réussite, la cloche fut simplement exposée et laissée à la vue de tous, un siècle après sa fonte manquée. Cette opération d’exhumation demanda toute une organisation et beaucoup d’efforts, une organisation particulière à une époque où le moteur et les engins et grues mécaniques n’existaient pas. Elle est devenue l’une des attractions du Kremlin, dont elle devînt par la suite l’un des symboles. Après la réouverture du Kremlin, suite à sa fermeture par Staline aux visiteurs (1956), elle fut restaurée à l’époque soviétique (1979). La fonderie moderne nous a apprit depuis qu’une cloche d’importance, optimale pour le son, devait peser vers les 32 tonnes… Cette Tsarine des cloches avait un tsar, la plus grande cloche de la Laure du monastère de la Trinité-Saint-Serge (1748), pourtant bien plus petite, seulement 72 tonnes, mais qui elle fut montée dans son clocher. Sur ordre de Staline, grand destructeur d’églises et de patrimoines religieux (entre 3 et 4 000 édifices religieux), cette cloche disparut et fut fondue pour les besoins de la grandeur soviétique (1930). Elle a été refondue au chantier naval de la Baltique, à Saint-Pétersbourg (2003), et elle est le plus grande cloche russe en activité de nos jours.

Le petit truc en plus : les concerts de carillons et de cloches sont une tradition chrétienne très ancienne, et bien sûr il y a une tradition orthodoxe magnifique que vous pourriez peut-être un jour découvrir, en virtuel comme ici ou peut-être de vos propres yeux (et oreilles !).

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