Le Tsar des canons

1-2-6- Le Tsar des canons catégorie la Russie éternelle

Accès : uniquement avec un billet d’entrée pour la visite des cathédrales du complexe du Kremlin de Moscou.

Tsar des canons 4A la fin du XVIe siècle la Russie était gouvernée par un souverain emblématique, qui marqua durablement son temps et que les francophones connaissent sous le nom d’Ivan le Terrible (Ivan IV, grand-prince de Moscou, puis tsar de Russie). La Russie de cette époque était loin d’être un empire, et après l’invasion de la Horde d’Or au XIIIe siècle, cet état avait été réduit à une nation plus ou moins mineure aux confins de l’Europe. La Russie était entrée dans une période difficile et le réveil fut tardif à cause de la sujétion et du tribut versé au Khan mongol. Sous le règne de son père Vassili III surnommé le Grand (1479-1533), la Russie avait pris un essor lui permettant de s’affirmer, mais non sans avoir à lutterTsar des canons 5 contre des voisins très puissants, comme la Pologne et la Lituanie unies sous un même souverain. Deux guerres n’avaient pas vidé la querelle, la Russie ayant à se battre sur tous les fronts, en particulier aussi contre le Khanat de Crimée, héritier de la Horde d’Or. Lorsque qu’Ivan vînt au monde, son père était déjà un homme âgé, et à sa mort trois ans plus tard laissait un petit garçon sur le trône. Il devait y rester pas moins de 51 ans (1530-1533-1584). Le début de son règne fut bien sûr une régence assurée par sa mère, ponctuée de luttes intestines, d’assassinats et de meurtres. Lorsqu’il acquiert officiellement le pouvoir, âgé de 16 ans (1547), il fut le premier souverain russe à porter le titre de tsar.

tsar des canons 2Son très long règne sera ponctué de réussites, de conquêtes, de réformes, de guerres gagnées contre les Suédois, les Polonais ou la Horde d’Or. C’est lui qui fit mettre un genou à terre aux Tatars, annexant les villes de Kazan et d’Astrakhan (1552 et 1556), mais il dut beaucoup batailler contre tous ses voisins, notamment en Baltique et aux frontières de l’Ouest du Pays. L’enjeu était capital, assurer un accès à la mer Baltique à la Russie, repousser les chevaliers teutoniques définitivement. Mais la guerre tourna mal, accompagnée bientôt de famines et d’épidémies, déclenchée en 1558, les Tatars de Crimée brûlaient Moscou (1571), tout le pays étant ravagé sur ses différentes frontières. C’est finalement l’année suivante, à la bataille de Molodi, que les Russes écrasaient les troupesTsar des canons 6 du Khanat de Crimée. Avec environ 25 000 hommes, les Russes se défaisaient d’une armée tatare deux fois plus nombreuses, qui laissait sur le champ de bataille 15 000 morts, et perdait dans une fuite éperdue 12 000 noyés (29 juillet-2 août 1572). Cette guerre ruineuse et sans fin, avec des répressions et des dévastations innombrables, comme par exemple le massacre des habitants de Novgorod par l’armée russe, accusés de complot (1570), illustrent un règne terrible, 25 ans de guerre, et le caractère dérangé et trouble du souverain russe. En 1581, il tuait dans un coup de colère son propre fils, cherchant à protéger sa troisième épouse, enceinte, qu’Ivan rouait de coups. Trois ans plus tard il mourrait (1586).

Le tsar des canonsL’armée russe de cette époque restait une armée par certains côtés archaïques. Comme en Europe de l’Ouest à la même époque, l’art de la guerre était hérité de traditions médiévales renouvelées par la Renaissance, ou l’arme à feu et le canon n’avaient pas encore la prédominance qu’ils auraient bientôt. Le fils d’Ivan qui montait sur le trône, Fédor Ier (1557-1584-1598), fut le dernier de la dynastie des Riourrikides et laissa à sa mort la Russie orpheline. Couronné au printemps 1584, à 27 ans, il souffrait d’être peu intelligent, voire un peu attardé et simple, homme cependant pieux et bientôt surnommé le sonneur de cloches. C’est un conseil privé institué par son père, avec les boyards qui de fait avaient les rênes du pays. Très vite c’est son beau-frère qui habillement prit le contrôle du pouvoir, Boris Godounov. C’est lui qui instaura le patriarcat indépendant de Moscou (1588), et la Russie ayant besoin de redorer son blason, de se remettre du règne traumatisant d’Ivan IV, c’est à cette époqueTsar des canons 12 que les fondeurs russes réalisèrent le tsar des canons (1586). L’artillerie moderne était alors un enjeu capital dans le monde, et c’est grâce à de nouveaux canons que l’Angleterre écrasa l’Invincible Armada espagnole deux ans plus tard (6 août 1588). A cette époque, la fonte de canons était un art secret et difficile. Toute la subtilité résidait dans l’alliage et les métaux utilisés, dans la température de réalisation, dans les secrets des maîtres fondeurs. Quelques erreurs et la pièce était inutilisable, ou pire encore exploserait en action. Les enjeux étaient aussi ceux de la portée, et de la puissance car l’artillerie de l’époque était très loin de l’obusier. Un canon projetait un projectile qui n’explosait pas (boulet de métal ou de pierre), à une cadence plus ou moins rapide.

Tsar des canons 13Les techniques progressant, les engins étaient cependant le plus souvent de modeste taille, car difficile à mouvoir, à utiliser. D’abord réservés à la guerre de siège pour détruire les murailles, les tours ou ouvrir des portes, l’artillerie s’était répandue également dans les batailles rangées. Loin d’être la reine de la bataille comme elle le fut beaucoup plus tard, l’artillerie était toutefois très importante et l’armée russe d’Ivan IV se composait de plus de 9 000 artilleurs. C’était quelque chose de difficile à réaliser, les artilleurs devaient être formés, c’était une arme savante et des ingénieurs avaient été les premiers artilleurs. Les canons devinrent aussi un symbole de pouvoir, celui du roi qui pouvait abattre facilement les châteaux des nobles rebelles, mais aussi celui du souverain qui pouvait affirmer sa puissance et sa force aux pays voisins. Ainsi fut donc conçu l’un des plus gros canons de cette époque, le tsar canon. Boris Godounov donna l’ordre à un fondeur, André Chohkov de se charger de sa réalisation. C’était un geste politique très fort, puisqu’une fois terminée, il ne fut pas… employé mais installé sur la Place Rouge devant le Kremlin. Le message était clair : « nous sommes puissants et nos technologies sont avancées ».

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Il ne fut de fait jamais utilisé, arme quelque part dérisoire et difficile à servir, à charger et dont personneTsar des canons 11 ne pouvait dire si elle était capable de lancer les énormes projectiles qu’elle était sensée tirer sur l’ennemi. Plus tard, alors que le Kremlin se dotait d’un Arsenal (XVIIIe siècle), l’arme fut déplacée dans la cour du Kremlin. Ce dernier fut détruit par l’armée française lors de son occupation de la ville (septembre-octobre 1812), mais le canon trop lourd fut laissé sur place par les Français commençant leur terrible retraite (son support détruit). Il fut restauré plus tard (1835), agrémenté de nouveaux ornements, et installé près du Palais des Armures (1843). Cependant celui-ci fut rasé pour laisser la place à un palais des Congrès du Parti communiste (1960), et le canon fut finalement installé dehors, non loin de l’énorme cloche, où il se trouve depuis cette époque.

Tsar des canons DonetskLe petit truc en plus : vous apprendrez avec votre guide MonAmi de Moscou des anecdotes intéressantes sur ce canon, mais surtout sur l’artillerie elle-même et vous serez sans doute surpris de l’une d’elle qui vous apportera une belle histoire à raconter à vos amis et votre famille. Le tsar des canons est d’un calibre de 890 mm, pour un poids impressionnant de 39 312 kg. Les boulets qu’il pourrait tirer auraient un poids de 750 kg à 1 tonne, avec une charge nécessaire de poudre de 85 à 120 kg environ. Il existe trois copies modernes du canon, l’une offerte en 2001 à la ville de Donetsk (Donbass, République Populaire de Donetsk), son petit frère étant resté à Ijevsk (Russie, en Oudmourtie). Une troisième copie se trouve à Iochkar-Ola (2007, Russie sur la Volga).

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